En France, moins d’un millennial sur dix dispose aujourd’hui d’un produit d’épargne dédié à la retraite, selon l’Insee. Les enquêtes montrent pourtant que près de la moitié d’entre eux expriment une inquiétude quant à leur avenir financier.
Le décalage entre la préoccupation pour la retraite et les actes concrets posés dès l’entrée dans la vie active ne fait que s’accentuer. Derrière ce paradoxe, de multiples ressorts institutionnels, économiques et culturels dessinent un paysage inédit. Les repères d’autrefois, ceux qui guidaient les choix d’épargne, vacillent sous la pression d’un monde du travail transformé, d’un rapport à l’argent qui change, et d’un avenir collectif perçu comme incertain.
Millennials et génération Z : une nouvelle relation à l’argent
Impossible d’ignorer la rupture de ton qu’apportent la génération des millennials et la génération Z dans leur rapport à l’argent et à la prévoyance. Là où les baby boomers misaient sur la propriété et la stabilité, les plus jeunes font passer l’usage, la flexibilité et l’envie de sens avant tout. On le constate dans les études menées sur un échantillon représentatif de la population française : pour une majorité de jeunes adultes, “mettre de côté pour la retraite” ne parle tout simplement pas, ou si peu.
La réalité est là : en France, à peine 9 % des 25-34 ans détiennent un produit d’épargne retraite. Le phénomène ne s’explique pas par ignorance. C’est un choix, souvent assumé : privilégier la mobilité, la qualité de vie, l’équilibre entre travail et aspirations personnelles. Pour eux, la retraite paraît lointaine, presque conceptuelle, dominée par les débats sur le système de retraite et la crainte de droits qui fondent comme neige au soleil. L’accumulation patrimoniale, longtemps vue comme un but en soi, laisse place à des priorités immédiates : voyager, se former, tenter l’aventure entrepreneuriale, profiter du moment présent.
Voici ce qui ressort le plus souvent dans les choix et valeurs de ces générations :
- Priorité à la liberté plutôt qu’à l’accumulation
- Recherche d’authenticité et de flexibilité professionnelle
- Réserves face à la confiance historique dans le système collectif
Leur rapport à l’argent se redéfinit dans un contexte où l’emploi est plus précaire, les parcours moins linéaires, et la confiance dans les institutions s’effrite. La retraite des millennials ne se limite plus à un produit d’épargne, mais s’inscrit dans une réflexion plus large sur la liberté individuelle et la façon dont chacun veut façonner son destin.
Pourquoi la retraite semble-t-elle si lointaine pour les jeunes actifs ?
Pour beaucoup de jeunes actifs, la retraite appartient à un horizon aussi incertain qu’éloigné. À 25 ou 30 ans, on avance à tâtons dans un brouillard institutionnel épais. Le système de retraite français, bâti sur la répartition, repose sur la confiance collective. Mais ce socle s’effrite. Débats sur la viabilité du système, projections du conseil d’orientation des retraites, allongement de l’espérance de vie : tout contribue à alimenter le scepticisme.
L’âge de départ s’éloigne, les carrières s’étirent. La question se pose, sans réponse claire : à quoi ressemblera la retraite dans trente ans ? Les générations d’hier avaient un cap. Aujourd’hui, la succession de contrats courts, les périodes de chômage, la précarité généralisée brouillent la trajectoire. La sécurité sociale n’apaise plus comme avant. Le sentiment d’appartenir à une grande chaîne solidaire faiblit, laissant place à la crainte de l’isolement et à l’incertitude sur l’avenir.
Quelques lignes de force se dégagent pour expliquer ce désengagement :
- Un système de retraites en mutation
- Des carrières discontinues, peu compatibles avec une vision classique de la retraite
- Un rapport au temps bouleversé par l’accélération des crises
Le vieillissement de la population française renforce la pression sur les actifs. Le lien entre cotisations et droits futurs devient de plus en plus flou, ce qui alimente le doute. Résultat : les jeunes actifs mettent le cap sur le présent, parfois par choix, souvent par nécessité. L’avenir, trop flou, passe après.
Entre précarité et priorités de vie, quels freins à l’épargne retraite ?
Pour les millennials, la précarité s’invite à chaque étape du quotidien. Loyers qui grimpent, études onéreuses, salaires d’entrée modestes, inflation tenace : la constitution d’une épargne longue distance attendra. À Paris, comme ailleurs, le portefeuille se tend : plus de la moitié des jeunes adultes déclarent avoir du mal à joindre les deux bouts, selon le dernier baromètre épargne France.
Ici, la logique de l’épargne retraite entre en collision frontale avec l’urgence. Entre contrats courts, alternance, périodes de transition, difficile de se projeter sur plusieurs décennies. Le plan épargne retraite (PER) ou l’assurance vie restent hors de portée pour beaucoup. L’épargne de précaution, quand elle existe, prend le dessus. Pour le reste, il s’agit d’abord de gérer le quotidien.
Les obstacles à l’épargne longue sont multiples :
- Vacances, loisirs, mobilité : des choix de vie placés avant la capitalisation pour la vieillesse
- Manque de lisibilité de l’offre, défiance envers les intermédiaires financiers
- Fiscalité perçue comme complexe, notamment pour l’impôt sur le revenu
La palette d’outils existe, PER, ETF, assurance vie, mais l’accès reste limité, faute d’informations claires ou de conseils adaptés. L’accent mis sur la flexibilité, sur l’expérience, et sur la mobilité professionnelle ne laisse que peu de place à l’épargne à long terme. La liberté, ici et maintenant, l’emporte sur la promesse d’une retraite sereine.
Des pistes concrètes pour mieux préparer son avenir financier
Quand il s’agit d’avenir financier, aucun slogan ne suffit. Pour les millennials, garder la main sur chaque euro compte. Pourtant, il reste possible d’accéder à une épargne liquide et souple, même avec un budget serré. Le plan épargne retraite (PER), par exemple, s’accommode de versements ponctuels, sans obligation de régularité. Quelques dizaines d’euros par mois, sur un produit flexible, suffisent à enclencher une dynamique.
L’assurance vie constitue une autre option. Aujourd’hui, elle ne se limite plus à la préparation de la transmission. Les contrats en unités de compte, intégrant des ETF, permettent de diversifier son épargne avec des frais désormais transparents. L’épargne se bâtit à son rythme, avec une disponibilité renforcée. Les jeunes actifs peuvent tester, ajuster, sans être enfermés dans des engagements sur le long terme.
Quelques réflexes simples peuvent ouvrir la voie :
- Commencez par identifier vos marges de manœuvre budgétaires.
- Privilégiez une épargne évolutive, adaptée aux aléas de la vie professionnelle.
- Interrogez vos conseillers bancaires sur les options de PER ou d’assurances vie nouvelle génération.
Le PER, avec sa fiscalité qui permet parfois de déduire les versements de l’impôt sur le revenu, peut alléger l’effort d’épargne. Les solutions existent, accessibles, à condition de s’en emparer. Même à petite échelle, commencer à se saisir des outils, c’est déjà reprendre la main sur son histoire financière et refuser de se laisser ballotter par l’incertitude. Et c’est là, peut-être, que tout commence vraiment.


